Dean
Pou jenerasion-dèyè

Pesticides, la fin de la plantation américaine ?

Figponm_musa_acuminata 

                            

« Moi leu in agricultu épi in pèch ka tjeunbé » déclarait le ministre fraChimen_mn_modifi1nçais de l’agriculture, lors d’un passage, post-ouragan, en Martinique. An delà de la créolophilie déclamée mais tellement ridicule (les sous-langues usées par des siècles de domination politique et une aliénation rongeuse et pétrifiante n’autorisant jamais de poétique spontanée) cette épi-phrase marquait comme un doute dans les certitudes domiennes de la nomenklatura française. Un gouvernement français est en passe de reconnaître la faillite d’un système colonial séculaire et l’implication directe de son allié historique, la plantocratie féodale, dans ce Kldeknqui est, il faut bien le dire, un énième crime contre le peuple martiniquais. C’est à tronçonner des  tamariniers centenaires qui nous guérissent des ouragans et les fonmaje (ou mapou) tutélaires qui apaisent les zombis.

L’Etat français est-il en train de lâcher, au sens d’abandonner, ses békés ? Il semble bien que la relative démocratisation des démarches de justice et les nouvelles possibilités  d’internationaliser les conflits locaux font peur et peuvent expliquer cette désolidarisation trop tardive avec les dérives mercantilistes d’une poignée de crétins féodaux.  Et même si les services déconcentrés de l’Etat français, sans doute par « identité raciale », ont cautionné les dérives de la caste bekée, leur fournissant gracieusement ingénieurs, journalistes négro-africains pathétiques ou euro-blacks ignares, politiciens régionalistes  francs-zonards, agriculteurs à mentalité d’esclave et une foule d’hédonistes niais,  la seule allusion à une « agriculture-pesticide-zéro » doit nous faire comprendre que l’empoisonnement de la terre, de l’air et de l’eau en Martinique et en Guadeloupe, est bien un problème politique majeur.

De quoi s’agit-il ? D’une pollution eden (an zayonn gate) où la plantocratie féodale et mercantiliste et ses chiens de garde ont enterré pour 75 à 500 ans de chloredécone, de DDT (ou Dichlorodiphényltrichloroéthane), de HCB (ou Hexachlorobenzène), de Paraquat, de Dieldrine, Hexachlorocyclohexane, Lindale, Perchlordécone (ou Mirex) ; une quinzaine de pesticides hautement toxiques dans le sol martiniquais. La plantocratie mercantiliste a organisé l’importation massive de ces pesticides hautement toxiques ; elle détient tous les leviers de l’import/export.

Une mobilisation de tous les acteurs aurait pu précipiter la fin de la plantation américaine extravertie mais malgré le livre,  Chronique d’un empoisonnement annoncé, dans lequel messieurs Louis  Boutrin et Raphaël Confiant, résument sereinement et vulgarisent deux rapports français sur l’utilisation des pesticides en Martinique ; malgré la création d’une association de lutte contre le chloredécone, les témoignages d’agriculteurs empoisonnés, malgré la plainte de l’ASSAUPAMAR (Association de Sauvegarde du Patrimoine Martiniquais), malgré les dénonciations multiples du PUMA (Pour une Martinique Autrement), malgré l’ancienneté de cette dénonciation d’empoisonnement (feu Pierre Davidas en parlait déjà en 1984 lors des koudmen de sarclage des jardins du plan d’ignames de l’ADEVAMAR, Morne-Rouge-l’Aileron, Bellevue au François et Saint-Esprit), malgré la recevabilité de la plainte pour empoisonnement qu’un collectif guadeloupéen d’une dizaine d’associations avait déposé auprès du TGI de Basse-Terre, aucune mobilisation politique sérieuse n’a émergé. Rien, rien dans les « djòl-fò » des « représentants politiques » locaux, tellement bwabwa dans leurs petits verbes de députés français ; rien non plus dans les discours politiques quotidiens des nombreux conseillers régionaux, généraux, municipaux, rien dans les prises de positions des présidents de groupements ou de chambres d’agriculture ; rien, aucun principe de précaution adopté, aucun avis d’arrêt de la culture de la banane, aucun état général de l’agriculture, aucun principe du pollueur-payeur balbutié, aucune mise en garde sanitaire, aucune velléité de retour au jardin caraïbe, d’une agriculture alternative, de renforcement d’un marché local, aucun calendrier de réorientation de l’agriculture en Martinique ou Guadeloupe, rien, ayen toubannman. Et pourtant, demain, nous-mêmes peut-être et/ou nos enfants, à coup sûr, devront faire face aux phénomènes hysthérisis d’une telle pollution.  Car enfin, cet empoisonnement aux pesticides n’est pas qu’un simple problème d’environnement qu’une autorité politique autochtone aurait pu sérier en une décennie (dabò pou yonn pa ni p’an djòktòch natifnatal atè Gwadloup, Matnik) puisque la persistance des pesticides dans le sol est estimé à un voire plusieurs siècles. Plus qu’un problème isolé d’environnement, plus qu’un problème ponctuel de santé publique, c’est d’un problème politique qu’il s’agit. C’est qu’au fond, si un pesticide interdit aux USA depuis 1976 circule librement en Guadeloupe et/ou Martinique jusqu’en 2002 c’est bien parce qu’aucun pouvoir politique guadeloupéen ou martiniquais n’a pu jusqu’ici se dresser face aux boutiquiers de l’agriculture productiviste, les békés et leurs  alliés traditionnels, petits-nègres dont le larbinisme javellise. Quand je parle de pouvoir politique guadeloupéen ou martiniquais, je parle d’une organisation politique démocratique, issue d’un débat politique ouvert dans le peuple guadeloupéen et/ou martiniquais (le peuple n’est pas la population) qui serait à même de défendre le peuple guadeloupéen et/ou martiniquais (en tout cas ceux qui y adhèrent) contre de tels agissements criminels, by all means necessary, brada and sista et de contrôler tous les produits alimentaires et/ou manufacturés importés. Quand je parle de pouvoir politique je parle d’un sursaut de rationalité où l’on jetterait les bases d’un Etat guadeloupéen, un Etat martiniquais que le peuple (guadeloupéen ou martiniquais) organiserait libre-associé, autonome ou caribéennement interdépendant, pour désarmer la plantocratie féodale et du même coup refroidir la violence quotidienne ; pour mettre en œuvre, au plus vite un calendrier politique (donc sans cesse mis en débat) de recentrage caribéen du pays Martinique dans l’anarchie-monde et initier de nouvelles politiques d’échanges et de solidarités avec les voisins caribéens et américains qui, il faut le comprendre aujourd’hui sont les seuls à pouvoir nous faire manger, les da’in kankloum, bakòv, bokodji et djòkòk et boire le dlo-koko de notre bien-être  caribéen.

La crise reconnue, quels moyens mettre en œuvre ou à disposition des nouveaux acteurs de l’agriculture pour décontaminer la terre, endiguer cet empoisonnement ? Quelles politiques martiniquaises initier pour mettre hors d’état de nuire la plantocratie féodale ? Quelles activités nouvelles doivent porter les économies guadeloupéenne et martiniquaise ? Quelle agriculture nouvelle doit se dessiner dans le pays Martinique ? Quelles nouvelles solidarités initier avec les pays de l’entour naturel caribéen ? Quelle place donner à la lutte contre les pesticides dans les mobilisations politiques caribéennes ?

C’est d’un sèbi-douvan-dèyè qu’il s’agit, ici l’on parie non plus sur la sortie du « sept » ou du « onze » directement mais sur la capacité de Sòstèn Gwodi de L’autre Bord ou Moza Senatè d’En Reziyen à obtenir un sept, ou un onze. Dans les sèbi-douvan-dèyè tout ce que gagne l’un est automatiquement perdu par l’autre. Dans ce comptoir de l’économie de française qu’est la Martinique depuis 1650, les békés gagnent à tous les coups. Dans les sèbi-douvan-dèyè quand l’une des parties gagne à tous les coups, il est du devoir des perdants de faire virevolter les mouchoirs de poche ou les bonda-mate. Il faut donc casser cette politique prométhéenne  qui subventionne les pollueurs et empoisonneurs. Il ne s’agit plus de redéfinir des règles perdues du sèbi-douvan-dèyè mais de renverser la table et d’en finir définitivement avec les sèbi-douvan-dèyè, voire les sèbi, en général. C’est l’avènement d’un pouvoir politique guadeloupéen et/ou martiniquais qui peut durablement endiguer cette dérive et empêcher l’absorption, jour après jour, des ressources naturelles (renouvelables et/ou non renouvelables), culturelles, politiques, spirituelles des patrimoines guadeloupéen et martiniquais.

I – Un pays sans crise politique n’est pas pays ?

Le paradoxe c’est l’absence, trop pesante, de crise politique. Les crises politiques (démissions, destitutions, dysfonctionnements, renonciations, reniements, suicides politiques, welele, bòktòk jenerasion) attestent d’un système ou même d’un sous-système en vie, d’un échange permanent, d’une réflexion, d’un calendrier politique, d’empressement, de conservatisme, de réformisme ou de rébellion, de ritualisme ou d’évasion, d’un communisme des mornes ou d’un compère-lapin gambadant, etc. En Guadeloupe et/ou en Martinique, il n’y a jamais de crise politique, tout au plus un wèlto -ou wè’y ou pa wè’y- aucun politicien n’a démissionné pour raisons politiques. Comme si aucune charge ne pesait sur l’élu guadeloupéen et/ou martiniquais, comme s’il n’avait aucun compte à rendre. Comme si les mandants n’avaient aucune attente politique, n’avaient formulé aucune revendication au départ. Comme si ces bonnes gens étaient totalement désocialisés et n’arrivaient pas à lire, dans le consumérisme « pétrifiant », leurs malheurs à venir. Pas une voix d’opposition, pas une démission, pas un président de chambre révoquée, pas une « tèt -santi » békée, même pas une « kakarèl » en public qui dessinerait une tête au vaval 2008. La Martinique est une anomalie politique et citoyenne. Au contraire, des dirigeants agricoles presqu’illettrés ou au moins totalement irrationnels, un fatalisme niais des marchandes de Foyal, des représentants politiques totalement incohérents, trop courts en culture politique pour lire les signes quotidiens de l’interdépendance qui se joue dans le monde moderne, des journalistes incompétents qui relayent  pompeusement les propos les plus racistes d’en France (« la prostate maladie des noirs ») et incapables de lire un document administratif qui appelle à la prudence, à la vérification, à la validation empirique d’hypothèses théoriques, à confronter des intuitions, une expérience allogène, une pré-notion des empoisonnements-monde, à la réalité du terrain. Partout dans le monde, l’agriculture productiviste est en crise et les accidents sont nombreux, partout dans le monde, les acteurs de l’agriculture travaillent à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, même les industriels soulignent leur volonté de faire baisser les quantités de produits chimiques utilisés dans l’agriculture. Partout dans le monde, on évacue des écoles quand l’air est saturé en particules de pesticides, on interdit la consommation de l’eau souillée, on retire de la consommation les légumes contaminés, on préconise la jachère, bref partout dans le monde, même à Chichigalpa, ciudad nicaragüense, on décrit les maladies liées à l’utilisation des pesticides qui déciment les coupeurs de canne. Ces mobilisations, partout dans le monde, O movimento dos sem-teras do Brasil, les faucheurs volontaires d’en France, des mouvements d’occupation de terre, etc., affirment une conscience, une volonté de peser sur le devenir des pays, de contenir la dépendance, de transmettre aux générations futures ; dans nos îles minées par la consommation de masse, rien. Les parents guadeloupéens et martiniquais ne semblent même pas concernés par ce qu’avalent leurs marmailles dans les cantines scolaires, voire les inepties, parfois mélanophobes, voire mélanophages, qu’ils apprennent à l’école et/ou à la télévision françaises.  Ici plus qu’ailleurs, la domination politique française séculaire, a façonné un « super koutja pathétique » incapable d’envisager le monde ailleurs qu’au volant d’une voiture 4X4 ; dans un match de football (chaque année, une soixantaine de fans de Gwadloup traversent l’Atlantique jusqu’à Londres pour assister au match Arsenal-Chelsea, le temps d’un week-end, et « Dwèt-douvan » ; ces marseillais en exil dans les mornes de Wanakera (euh, Martinique) débarquent sur la canebière pour encourager l’OM dans le vice et la vertu de la « continuité territoriale ») ; dans un zouk, du mercredi au dimanche soir, bondé de quadra et quinquagénaires aux « bondas minés », koukoun-douvan. Après, ils, parents pauvres de la responsabilité, regrettent la délinquance juvénile et la violence quotidienne.

Les acteurs de l’empoisonnement,  la caste békée, les services déconcentrés de l’Etat français, des politiciens terriblement silencieux de la Martinique, des agriculteurs appâtés par le gain facile (nou ka plante’y me nou pa’a manje’y), ont illustré parfaitement la collusion dénoncée dans l’affaire de Grand-Rivière. Une mobilisation écologiste a, sans doute parce que une grosse association  pan-écologiste française  est venue en renfort, fait échec à cette tentative de détournement d’une des trois principales rivières de Martinique. Par cet acte de piraterie contre le pays Martinique, par cet acte terroriste fort, un crétin féodal local entendait pomper 80% de l’eau de la Rivière (tout lawviè ka desann an lanmè) pour arroser ¨ses quatre cent hectares de bananeraies.

Grand-Rivière c’est  l’extrême nord de cette région du Nord Caraïbe, de Trinité à Grand-Rivière, en rouge sur la carte de la contamination, la plus polluée du pays. Elle présente des singularités à la fois géophysique où la masse de la Montagne Pelée a façonné, rebondi ou arrondi ces nombreux  mornes, a fouillé le lit de ces nombreuses rivières (Bassignac, Galion, Capot, Grand-Rivière, Rivière-Roche, Rivière de Macouba), a fertilisé ces nombreuses forêts (La Philippe, Ajoupa-Bouillon, Reculé, Bwa Loren an, etc.) jusqu’à dessiner ces falaises et côtes escarpées de Derrière-Morne Sainte-Marie à Grand-Rivière.  Région la plus humide, les nappes phréatiques bruissent de leurs eaux diaphanes et sulfureuses, c’est ici malheureusement le pays de la banane. Elle présente également des singularités économiques, c’est en effet le terroir d’une des solidarités traditionnelles les plus fructueuses, le jardin caraïbe, et les tontines qui y sont liées.  Elle présente aussi des singularités culturelles, le bèlè des mornes, les danses lalin-klè, la vannerie du Morne-Des-Esses, etc. C’est la région la plus polluée à la molécule de chloredécone, où un ancien député-banane, rapporteur des doléances békées, champion des demandes de dérogation, a eu le toupet d’être candidat à un nouveau mandat de député français, en pleine crise de pollution et d’empoisonnement, tout sourire devant la population, se ba nou lè pou nou pase.

S’il n’y a jamais de crise politique comment peut-on raisonnablement prétendre conserver, réformer, changer, révolutionner ? Comment peut-on parler de socialisation, d’intégration des jeunes ou d’accueil des « étrangers », etc. ? Comment peut-on prétendre juguler la délinquance juvénile, la violence quotidienne ? Les martiniquais semblent réduire le politique à l’élection de quatre « majò » doucement nègre-mawon parfois et tellement français toujours et/ou à l’élection municipale, un « majò » communal. Il y a ici, un syndrome de la périphérie qui indique non plus seulement une érosion du pays réel mais le primat d’un ailleurs mythique sur tout le pays. Il n’y a pas de pays rêvé, comme si il n’y avait pas d’artistes et   de poètes guadeloupéens et/ou martiniquais. 

II – La plantation extravertie développe le sous-développement et approfondit la dépendance

Une spécificité de la dépendance des formations sociales de Guadeloupe et Martinique c’est la faible identité disons « native » des acteurs sociaux, économiques, politiques et culturels. Cette « faiblesse d’âme » donne un ton sui generis à la dépendance. C’est qu’ici, le secteur traditionnel (filetè, mabo, machann pistach, machann-pweson, moun bèlè, moun gwoka, moun toloman, mayonmbo jaden karayib, senatè, yolè, kosedjo-kosedjanm.) reste éternellement marginal, il ne se pose jamais en contre-système structurant/déstructurant/restructurant mais toujours en sous-système relativement structurant.  Il s’aligne désespérément sur un secteur capitaliste dont la féodalité, notamment dans la gestion des ressources humaines et le mode d’organisation du travail,  facilite l’expansion de techniques culturales (utilisation des engrais, non rotation des cultures, non pratique de la jachère, etc.) hautement destructrices d’environnement. Dans les formations sociales en dépendance, le secteur traditionnel bute incessamment sur le secteur capitaliste le provoquant quotidiennement de son inventivité et de sa vitalité et l’obligeant par là à participer, se se pianmpianm, à la structuration d’un marché local. Dans les cas guadeloupéen et martiniquais, le secteur traditionnel est lui-même totalement moribond puisque ses acteurs sont parfois lourdement aliénés. Le pays du secteur traditionnel, en Guadeloupe et Martinique est souvent ailleurs et c’est là un sacré paradoxe. Faut-il parler d’acteurs dans des économies en dépendance et totalement extraverties. Faut-il parler d’acteur dans le bèlè ou le gwo-ka, par exemple, dont le pays est quelque part dans le continent africain ? Faut-il parler d’acteur d’une langue dont le parler drague, baveux, les fantaisies du parler français.

En Guadeloupe et Martinique, secteur traditionnel et secteur capitaliste habitent  parfois les mêmes terroirs. Il était fréquent dans les années 80, qu’une agriculture vivrière (maraîchers et légumes-racines) poussât entre deux rangées de bananiers. Et en règle générale,  hors récolte et de gros travaux de sarclage, les ouvriers agricoles sont aussi les cultivateurs du jardin caraïbe. Cette « proximité culturale » a fait que les crises de la plantation extravertie ont eu des répercussions dans le jardin caraïbe et désarmé ce dernier en tant que contre-système. Il n’y avait donc pas d’acteurs (sinon quelques figurants) pour contester les excès du secteur capitaliste, de l’agriculture productiviste. L’agriculteur guadeloupéen ou martiniquais n’a pas développé une alternative aux engrais, n’a pas modernisé une agronomie traditionnelle et s’est, trop souvent, contenté de répandre les pesticides massivement commercialisé par les boutiquiers de l’agriculture productiviste ou de gober les étals de fruits et légumes pourris débarqués d’outre-mer.

Et comme le marché est aussi le lieu privilégié de distribution des ressources, une autre des spécificités de la dépendance de ces deux formations sociales, c’est la mise en concurrence directe de tous les produits du secteur traditionnel. Par exemple, l’igname bokodji est mise en concurrence directe avec cette vulgaire racine arrachée dans les plaines du Loiret, en France à laquelle l’agriculteur hyper aliéné de Martinique trouve quelques supériorités gustatives, (i ka fonn an djèl ou kon an kouchkouch) ou encore avec quelques ignames importées (2 000 tonnes à l’année) d’an-tjou-man-deviran, dont personne ne peut véritablement dire l’origine.

La plantation américaine, banane ou canne à sucre est un désastre écologique, politique, économique, culturel, social et même éthique. Tributaire d’un marché exogène dont les cours sont fixés non plus seulement par le jeu de l’offre et de la demande mais selon les priorités, non clairement définies qui échappent aux acteurs du marché, voire aux plantocrates illettrés. La plantation américaine a conservé intacts ou presque tous les attributs de la plantation esclavagiste (en Martinique, jusqu’à la « division raciale » du travail), notamment la faible technicité du travail, pour durer dans la division internationale du travail, alors tu parles d’une « banane des droits de l’homme ».

Dans les formations sociales de Guadeloupe et Martinique, historiquement tournées vers l’extérieur, la plantation américaine, canne à sucre puis banane, a créé puis approfondi la dépendance étirant l’économie, si c’est économie,  entre un secteur primaire féodal, totalement étranger au marché local, et un secteur tertiaire hypertrophiée dont l’objectif est bien de médicaliser une société de figurants amorphes et/ou totalement aliénés.  C’est que ces formations sociales traînent une vieille maladie esclavagiste et séculaire, un traumatisme qui détourne d’un « nous » constructeur. Les acteurs n’ont aucune notion du devenir, aucune science du passé, serait-ce une épi-religion d’un pays d’avant, un souverain bien yorouba, igbo ou kikongo, acclimaté à la terre américaine, -Candomble du Brésil, Santéria de Cuba, Shango de Trinidad ou vodou de Haïti-, qui aurait, après sécularisation, ouvert les chemins d’une expression politique native-natale, nou menm ki nou menm lan, pou pàs nou ja pase, doubout lajounen-jòdi asou latè Wanakera oben Kaloukera-Kouchalwa, pare pou letjete nan divini, alagadigadaw. Aucun programme politique sérieux, aucun calendrier politique n’ont vu le jour dans les partis politiques institutionnels de Guadeloupe ou Martinique. Déchirés entre une sous-langue et une sous-culture coloniales françaises d’une part et une langue et culture guadeloupéennes et/ou martiniquaises rendues amorphes, d’autre part,   les acteurs sociaux n’habitent pas véritablement leur environnement naturel, (moun an pa menm djè sav sa ki an kayimit, ale wè sav se èk fèy la moun ka depri lakòl la anlè magoul yo) et rendent folle leur langue qu’un créole dòmi-dewò érode chaque jour.  La dépendance empêche même d’envisager l’autre, c’est une altérité interrompue, inachevée qui se fige dans une francité pétrifiante. Une crise politique, liée à l’utilisation à grande échelle des pesticides, invite à s’inquiéter des gestions outre-mer (an tjou man deviran), à se déporter dans l’histoire du pays et dans son devenir par le même biais, à prendre langue avec les voisins et les victimes d’ailleurs, toupatou asou latè, etc. En Guadeloupe et Martinique, rien,  se tjou rat.

III – L’urgence d’une rupture.

Les pesticides sont intrinsèquement liés à l’agriculture productiviste. Et même si aucune causalité n’est à ce jour validée (empiriquement !) entre pesticides et quelques cancers, Insuffisance Rénale Chronique, atteintes neurologiques ou testiculaires ; même si les lieux communs, les plus racistes et imbéciles, directement puisés dans l’idéologie coloriste des XVIIIe et XIXe siècles (« le cancer de la prostate  maladie des noirs » ou le « gwo-lolo des noirs » que l’intelligentsia afro-française parachutée de la banlieue parisienne distille tous les jours en Guadeloupe et Martinique) semblent plus facile à ingurgiter par une population prise dans les filets de l’aliénation de masse, l’insularité et l’exiguïté des territoires guadeloupéen et martiniquais exigent l’abandon au plus vite de ce type d’agriculture. L’étroitesse du territoire guadeloupéen et/ou martiniquais, la faible surface agricole utile et la petite taille des exploitations agricoles n’autorisent aucune jachère. Or l’agriculture productiviste et la monoculture de la canne ou de la banane, exigent une pratique rigoureuse de la  jachère ou de la diversification. Ces exploitations de petite taille correspondent parfaitement au jardin caraïbe et sa diversité culturale. Là, les légumes-racines (da’in, yanm, kokoye,) qui escaladent les mornes ; dans les ravines, les bananes (bakòv, bannann-jòn, bannann-kòd, bannann-pis, bannann-sen, bannann-wòz, fig-ponm, fresinèt, kankanbou, makandja, tinen, il y a 51 variétés de banane en Martinique et 300 à travers le monde), les caïmitiers, manguiers, goyaviers, papayers, fruit-à-pain et châtaigners, et sur le plat les maraichers à l’ombre des sapotillers et tamariniers centenaires, au bord de la rivière, les herbes pour le kalalou et les salades, et les dachin kankloum, etc. 

La rupture passe par l’arrêt net de la culture spéculative de la banane. On ne peut repartir sans changement politique majeur. Un aggiornamento administratif (assemblée unique, régionale unifiée ou même une spécialité législative) ou tout autre aménagement du système colonial ne peuvent que créer de nouvelles catastrophes. C’est qu’une réhabilitation du jardin caraïbe et une promotion/modernisation des solidarités traditionnelles commandent cette rupture, elles travaillent à l’avènement d’un marché caribéen et à la fin de la dépendance, à notre bien-être caribéen. 

Une autorité politique autochtone travaillerait en premier lieu à un inventaire rigoureux des ressources naturelles renouvelables (l’eau, la forêt) et non renouvelables (sols, paysages), des ressources humaines, culturelles, spirituelles, matérielles et politiques. C’est cet inventaire qui donne le signal d’un changement politique réel, d’une mobilisation en vue de réinscrire le  pays  dans son environnement caribéen naturel. Il est donc clair qu’on ne peut simplement remplacer une culture spéculative et coloniale par une autre culture spéculative et coloniale. On ne peut rependre la canne à sucre sur les terres polluées de la banane pour les promesses nouvelles, d’ailleurs fortement controversées, qu’offre l’éthanol. Il faut réduire drastiquement le nombre de voitures en circulation en Martinique, pas leurs trouver de nouveaux carburants. Il reste que les terres fortement polluées du Nord-caraïbe doivent garder leur potentiel végétal  pour ne pas tomber dans l’escarcelle des délinquants de la spéculation immobilière. En l’état actuel des informations dont nous disposons sur la persistance des pesticides et la contamination des sols, il semble qu’une reforestation de ces terres (bois, bambou, kachibou et aroman, horticulture) s’impose comme un gage contre leur spoliation d’une part et permettrait de lancer de nouveaux métiers de l’environnement et de relancer un artisanat lié aux métiers du bois, du bambou, de la vannerie. Cet artisanat massif permettrait un reclassement d’une grande partie des anciens travailleurs de la banane, relancerait un secteur secondaire confiné au béton armé et à l’asphalte, désengorgerait et même désaliénerait le tertiaire dont la vocation est la promotion technique et la gestion humaine des secteurs primaire et secondaire, dégagerait les conditions d’une économie durable, d’un marché local ou caribéen qui amortirait le choc du changement social et politique. Enfin ces nouvelles forêts de pluie permettraient, à terme, un retour à l’équilibre du cycle de l’eau en Martinique, ramèneraient une faune en fuite, la mangouste, chapo’w towblip, perdue « san vire-ranmase » dans l’asphalte et le kayali-coucou-de-grenn-sèl anba-latje’w et les trigonocéphales, gardiens d’arrière-pays en dilution. Sur les terres moins polluées, du centre et du Sud de la Martinique, une arboriculture (chatenn, fouyapen, Kosòl, mango, mang-divin, mang-jili, zabèlbòk, chadèk, ponm-dlo) sauvegarderait une vitalité du marché local des fruits et légumes et fournirait en matières premières une petite industrie de transformation, beurres, confitures, farines, huiles, jus, etc.  Et, sur toutes les terres non-polluées du Nord-Caraïbe, du Sud et du Centre, da’in kankloum et igname bokodji, kouchkouch, agriculture maraîchère et élevage. Cette réorientation qui absorberait tout ou partie de la masse des anciens travailleurs de la banane, suppose une autorité politique martiniquaise qui dépasse le trop ridicule exécutif régional et/ou départemental.  

Il faut un contrôle guadeloupéen et/ou martiniquais sur les ressources de chacun des deux pays, respectivement, que les lois de défiscalisation, les zones franches urbaines et les zones franches globales épuisent durablement. Il faut au moins faire payer les pollueurs et non pas les subventionner. Il faut taxer les « investissements DOM », biens meubles corporels et biens immobiliers,  d’entreprises et de particulier en villégiature qui ne créent aucun emploi et dilapident les ressources naturelles –renouvelables et non renouvelables-, matérielles, spirituelles, culturelles et humaines  de nos deux pays.

Il faut sortir, enfin, de la plantation américaine qui creuse la dépendance et entreprendre une économie caribéennement intégrée. On sait qu’aucun pays au monde n’a pu décoller grâce à une agriculture extravertie. Cette reconversion ne peut être possible sans une autorité politique martiniquaise, une organisation sociale et politique qui mette un terme à la délinquance économique des crétins de la plantocratie féodale. Cette organisation sociale et politique suppose une intégration locale originale qui ouvre grandes les portes (ou fenêtres que sais-je) de la souveraineté. Il faut un Etat martiniquais pour conduire cette réintégration de l’espace caribéen naturel.

                                                                                Henri "Simao" Taillefond

                                                                                      [email protected]

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