Le mouvement social d'en Martinique
06 février 2010
K.F.5
Un an déjà !
Lanmanten, Matnik : La négociation est au cœur de l’action syndicale. C’est ce moment où les acteurs sociaux (parfois des figurants) mettent en situation d’échange, une expérience sociale, un savoir-faire et un savoir-être politiques qui définissent et délimitent les intérêts sui generis d’une catégorie socioprofessionnelle, d’une classe sociale, d’une communauté, d’une formation sociale, d’un pays. Négocier c’est, logiquement, prévenir tout changement fort, toute révolution ; c’est s’inscrire, pleinement, dans le changement social.
La population d’en Martinique a, massivement, rejeté, le 10 Janvier 2010, l’idée même d’une communauté martiniquaise dépositaire d’intérêts sui generis. Dès lors, dans une population aussi rétrograde, les mobilisations en vue d’un accès aux ressources matérielles, culturelles, politiques, spirituelles, font problème, en termes de lisibilité, de différenciation et de hiérarchisation. Et puisque les syndicalistes n’ont pas pris une position franche, ce 10 Janvier là, même pour dire qu’on ne peut, raisonnablement, voter contre ses "intérêts propres", c’est-à-dire la possibilité de négocier l’application locale des lois et règlements qui régissent la communauté, disons d’intérêts, alors la faible mobilisation (moins d’un millier de personnes) sur des revendications restées intactes, un an plus tard, montre une population désorientée, un lien social usé, une communauté sans intérêts propres, fussent-ils encadrés. La communauté suppose l’intérêt, en tout cas, une capacité à cibler et envisager un devenir singulier, une capacité à penser et, peser sur, l’avenir. En dehors, les martiniquais n’ont pas, dans leur majorité, suffisamment intégré les principes d’identité et de totalité ; même hyper segmentée, une communauté poursuit toujours des intérêts propres.
La timide manifestation du Lamentin, alors même que les revendications étaient restées en l’état, valide cette idée qu’un mouvement social en dé-solidarité avec la revendication politique (autonomie politique et institutionnelle, indépendance-association, intégration caribéenne, souveraineté nationale) creuserait davantage le fossé de la dépendance, affaiblirait un peu plus le lien social et la volonté de faire peuple, communauté d’intérêt projetée. Cette manœuvre qui a consisté à passer sur la tête des élus d’en Martinique et l’éclatement des revendications qui ont caractérisé le mouvement social de Février 2009, ont approfondi l’hyper-segmentation d’une telle société, par distension du lien social et par faiblesse de la culture politique locale (voire la culture en général) et ont contribué, durablement, à la dilution politique de la formation sociale Martinique. Les slogans étaient, "se pou genyen nou ka goumen" (j’ai corrigé un parler créole pathétique), ou encore "peyi a se ta nou, se pa ta yo" et à l’arrivée, ce désastre politique du 10 Janvier 2010, 78,9% d’adultes puériles et arriérés d’en Martinique sont allés voter contre la possibilité pour leurs représentants politiques de négocier l’application, en Martinique, de lois et règlements, forcément inadaptés, puisque allochtones. Certains de ces représentants politiques d’en Martinique ont milité, sans doute un delirium tremens, coutumier ou nouveau, doublé d’une incompétence politique et culturelle vagabonde, contre toute responsabilité martiniquaise. La puissance tutélaire avait, elle-même, déploré cette "inadaptation" des lois et règlements, "le statut quo n'est plus possible", etc. Si bwabwa te ka tjwe, 2 moun Matnik asou 3 abòlòy 10 janvie 2010 tala, se pa ti fouyapen ki te ke rete an pie. Andjet an fimel kanna djonmpi !
1- Des revendications essentiellement matérialistes.
J’ai écrit quelque part que la prime dite de "vie chère" qui fut la principale revendication du Collectif du 5 Février participait directement au renforcement de l’économie de comptoir. Quand j’écris économie de comptoir j’entends une économie extravertie qui exporte ses ressources naturelles ou sa production agricole et qui importe la totalité des biens qu’elle consomme. Une économie de comptoir c’est, à mon sens, une économie sans marché intérieur. Le prix d’un kilo de bokodji n’est pas fixé par le jeu de l’offre et de la demande mais par des paramètres qui échappent à la rationalité économique. L’économie en Martinique est une économie de comptoir plus que partout ailleurs. C’est qu’en Martinique, plus qu’ailleurs, l’économie capitaliste dépendante ou précapitaliste (la plantation américaine) détruit, chaque jour, un secteur informel sans identité juridique (le jardin caraïbe, machann pistach-lotjo, taksi mawon, moun ka fè toloman, farin manyok, balie-banbou, fou-chabon, gadèt-zafè, djabalaptè, patiti patalod) mais objectivement structurant ; ailleurs, le développement capitaliste dépendant intègre ce secteur informel, petit à petit, permettant d’envisager une substitution aux importations. C’est cette déstructuration qui distend le lien social et multiplie la violence intra-communautaire. J’avais écrit cette évidence et des ultra-socialistes révolutionnaires du NPA m’avait traité de tonton-macoute, de babilón, c’est dire le niveau d’instruction politique des trotskistes d’en Martinique, Paris/France.
La fameuse liste des produits de première nécessité avait, vite, transformé un syndicalisme martiniquais, héritier de combats séculaires de la dignité martiniquaise contre l’ordre colonial et l’idéologie coloriste, en une vulgaire agence de vérification des prix, une sibyline brigade de répression des fraudes, consacrant ainsi l’hégémonie des grandes surfaces comme lieux de commerce, incontournables et sécurisés, plus loin, des lieux de culture, des lieux grâce auxquels l’on s’ouvre au monde. Loulou Pulvar et Frantz Agasta font un coup de sang dans nos mémoires. Et même si les listes de produits de première nécessité qui ont suivi, ont, peu à peu, intégré quelques malheureux produits locaux (tinen et dachin kankloum), cette scélérate liste de produits de première nécessité avait malencontreusement hiérarchisé les lieux de commerce et d’échange d’en Martinique, les traditions culinaires, également. L’unique au monde, aux lendemains de cette bonne publicité, des milliers de martiniquais s’étaient précipités dans les hypermarchés du pays, provoquant les premières émeutes de la consommation du monde.
C’était dire que le jardin caraïbe, les petits commerces, les débi-la-réji, les boutiques, les machann-sosokre, les machan-pweson, machann-chabon, le toloman, les danmietè et les moun-bèlè étaient devenus des acteurs et lieux infréquentables. Les yeux dans le guidon, parfois la tête dans le sac et Coco Lambert dans le bambou avec ça, les nouveaux syndicalistes d’en Martinique avaient fait place nette aux maîtres de la grande distribution et de l’économie de comptoir.
2- Dans l’esprit et la lettre de la subculture politique gestionnaire triomphante.
Un tel mouvement social qui évacue le politique n’était possible que dans un pays où l’ordre gestionnaire avait triomphé. Le politique d’en Martinique reste concentré sur la bonne gestion des collectivités territoriales françaises (commune, département et région) et à ce jeu là, la gestion indépendantiste des collectivités représente le nec plus ultra de la bonne gestion, la commune de Rivière-Pilote, la Région Martinique. Ailleurs, communes et collectivité départementale, les déficits ont troué le tissu économique, social, culturel et politique Martinique.
L’ordre gestionnaire c’est cette politique pensée pour un homo économicus poursuivant des buts rationnels et tellement modernes qu’il bute incessamment sur l’intention colonial qui organise l’économie de comptoir. La subculture politique gestionnaire ne pourrait exister en dehors d’une économie de comptoir ou une économie capitaliste dépendante. Elle ne gère que des mouvements de marchandises, des taxes sur le commerce, l’octroi de mer, etc. Et si l’octroi de mer était supprimé, Union Européenne 2014, alors privée des 2/3 de son budget, la petite collectivité unique de Martinique s’enliserait bien vite dans son unicité et dans une crise économique, sociale et politique sans précédent qui la précipiterait dans une autonomie fiscale perdue en Avril 1900, deux mois après la fusillade du François, 10 ouvriers agricoles assassinés.
Tous les tenants de la subculture politique gestionnaire sont des anciens syndicalistes ou acteurs de la vie associative. Ils travaillent à l’application stricte des lois et règlements de la puissance tutélaire. En Martinique, les syndicats patriotiques ont milité dru, pour l’application des lois Auroux ; les associations écologistes souverainistes ont porté, très haut, le code du littoral français et pourtant ce sont eux qui se retrouvaient, systématiquement, en garde à vue pour destruction de biens ; les féministes ont travaillé densément au respect des droits des femmes et elles étaient stigmatisées par les belles-sœurs et belles –filles, les makoumè, les da, etc. Et malgré la loi française sur la parité, sur les 34 communes d’en-Martinique, une seule a réussi à élire un maire de sexe féminin, son homme politique n’étant pas très loin. Les créolistes ont, déraisonnablement, arrondi tous les angles de la langue native pour la faire "langue régionale française" et même cette version édulcorée est marginalisée et massivement rejetée comme un jargon de nègres marrons. La subculture politique gestionnaire a ruiné la formation sociale Martinique dans un sèbi-douvan-dèyè permis par un dispositif départemental rapporté par le nègre-fondamental et taillé sur mesure pour l’ethno-classe-béké.
3- Le reflux indépendantiste
La subculture politique gestionnaire et le syndicalisme matérialiste ont approfondi la dépendance en renforçant l’extraversion de l’économie. Incapables de penser un marché intérieur et un développement capitaliste dépendant, les gestionnaires, indépendantistes institutionnels, organisent une précarité intérieure (an tjenbe-sa-toujou) qui accélère l’essoufflement du secteur informel. Or, dans une économie de comptoir, c’est justement le secteur informel qui irrigue l’économie et les arrière-pays culturel et spirituel. Sans cette culture et sans cette spiritualité, le combat pour l’existence nationale n’a ni volume, ni lendemain.
Ailleurs une politique, parfois une volonté, de substitution aux importations, ici un consumérisme débile qui contrarie tout marché local. Sans aucun pouvoir politique, sans une capacité à peser sur l’infrastructure voire la superstructure, les gestionnaires indépendantistes ont permis l’absorption du secteur informel par le secteur capitaliste dépendant ; la plantation de bananiers a avalé le jardin caraïbe. Dans le marché de Trinité, la revendeuse ne sait plus différencier les mangues, entre la Julie et la Divine, elle bafouille, une "ersperce de manrgre"; différencier c’est la condition sine qua non de la hiérarchie. Et plus loin, La Crique, l’apprenti maren-pêcheur, veut te vendre un kilo de kalikabou au même prix qu’un kilo de bayol, "sakre mal-mouton ou pran mwen pou an nègzagonnal kreyol". Au-delà de l’économique, c’est tout un contre-système social et culturel qui s’est effondré, privant l’indépendantisme non-institutionnel de son terreau habituel.
Le reflux indépendantiste est là, c’est l’effet conjugué d’une subculture politique gestionnaire san-manman et d’un syndicalisme, bondamannimannan, matérialiste qui travaille à l’alignement du sous-modèle social d’en-Martinique sur le modèle social français. Nous sommes là, en plein dans l’autonomie constitutionnalisée, la confiture de patate, la casserole pour lécher le caramélisé-brûlé et la toutoun de la cuisinière toute en sueur, si affinités. Et en plus, ces bouffons autonomisme constitutionalisé ne sont même pas reconnaissants. Ils décalent (c’est là un créolisme) une gouvernance MIM/CNCP, reconnue meilleure gestion de collectivité territoriale d’en France, alors que la gouvernance de la collectivité territoriale foyalaise est des plus controversée. Kay degaye pare towblip anlè moun ka dawne nan lari Foyal, mi ta’w mi ta mwen. Entre nous, il valait mieux insister sur les colères défigurantes du chaben…
La Martinique n’a produit aucun leader politique intelligent depuis Louis Telgard, 1870. Si G. Cabort-Masson ou M. Loulou Pulvar avaient, tous deux, eu toutes les ressources intellectuelles et psychologiques pour être ce leader politique intelligent, leur charisme fut au plus bas et ils n’avaient hérité d’aucun pouvoir "coutumier", un réseau leurs avait fait défaut. Sans intelligence politique, individuelle ou collective, cette formation sociale hyper segmentée, n’a même pas réussi à se réapproprier une petite autonomie fiscale qu’elle détenait déjà à la fin du 19e siècle, le projet de Marius Hurard. Désormais sans un arrière-pays culturel et spirituel, c’est toute la Martinique qui est perdue dans cette sous-histoire euro-negro-créolo-débile.
Simao moun Wanakera
ou pa ka ladjé an mòdan, dépi ou trapé an dékou ou ka voyé'y anlè yo. Fè an kou an politik man ké voté ba'w, tayfon douvan, simao dèyè.
Rédigé par : M. Mat. | 06 février 2010 à 18:06
man fini ten ke le sieur lètchimi ka filé zéponw' pou la région matinik .misié té an didan an avion lè sé zouav li a voté baw pou candidatiw'.fok li ké ladjé an manda pou cumul.ki lès zok ka kwè i ké ladjé
Rédigé par : milo | 08 février 2010 à 03:03
Fiche que tu es peu dire hein !
Rédigé par : Catherine-derrière-Morne | 11 février 2010 à 05:35
hep Simao moun Wanakera c'est quoi ce mot bondamannimannan ? En plus ça sonne musicalement parlant.
Rédigé par : Fouyaya Anvil | 12 février 2010 à 20:45